Avenir de la dissuasion nucléaire
◐ Édition déclinante : dernier quartier du 14 septembre 2025
Par Ambroise GarelCela n'aura pas échappé aux lecteurs et lectrices de L'Insolithe, membres d'une élite intellectuelle au fait de tous les derniers développement en matière de culture et de géopolitique : l'avenir du monde est de plus en plus incertain. Nombre de conflits récents, notamment l'invasion de l'Ukraine par la Russie et la brève guerre opposant Israël et Iran, donnent raison aux dirigeants convaincus que seule la possession de l'arme atomique est susceptible de garantir la sécurité de leur pays. Il est par conséquent certain que le fragile équilibre qu'ont permis d'établir les traités de non-prolifération est condamné et qu'un nombre croissant d'états vont, à moyen terme, se doter de la Bombe. Voilà qui est déjà fort inquiétant.
Pour ne rien arranger, l'amélioration des défenses sol-air pourrait amener des acteurs plus téméraires ou cinglés que les autres à se dire qu'après tout, puisqu'il existe une chance non-nulle de parvenir à intercepter les missiles et bombardiers de l'adversaire, et donc à vitrifier le pays ennemi sans voir le sien subir le même sort en retour, ma foi, l'opération mérite d'être tentée. Voilà qui, cette fois, est proprement terrifiant.
Heureusement, une solution existe.
La dissuasion nucléaire, pour être efficace, nécessite nous le savons que soit maintenu le principe de la destruction mutuelle assurée. Chaque acteur doit être convaincu qu'attaquer un ennemi l'exposerait à de si lourdes pertes en retour que le jeu n'en vaudrait pas la chandelle, fût-elle haute de plusieurs kilomètres et en forme de champignon. Ajoutons, ce qui est moins évident, que tant que cette condition est remplie, le reste n'a aucune importance. Il n'est par exemple pas nécessaire de frapper le territoire de l'adversaire, cette tradition de l'ère pré-thermonucléaire ayant sans doute été conservée par simple habitude et parce que, reconnaissons-le, il semble à première vue peu intuitif de bombarder son propre territoire lorsqu'on fait l'objet d'une attaque. C'est pourtant là que réside la solution que je m'apprête à proposer, dont l'élégance n'a d'égal que l'efficacité.
Qu'importe où elle explose, une bombe ou une série de bombes suffisamment puissante, capable de provoquer un hiver nucléaire et de plonger l'humanité entière dans une ère de ténèbres, est assez terrifiante pour calmer les ardeurs du plus enthousiaste des dictateurs qui, à défaut d'autre chose, se soucie a minima de sa propre survie. Pour s'assurer de l'obéissance de voisins turbulents, il suffit donc à un pays de construire, en un quelconque point de son territoire, un gigantesque bâtiment rempli d'une quantité tout aussi gigantesque de combustible fissile, bien plus grande que celle que pourraient emporter toutes les bombes et tous les missiles du monde. Au moindre regard de travers d'un état rival ou indélicat, le dirigeant dudit pays n'aurait qu'à menacer de faire sauter cette monstrueuse installation, ce qui aurait certes pour effet de vitrifier son peuple, mais également de condamner tous les autres, et ce sans qu'il soit possible d'empêcher la détonation puisque jamais le moindre projectile ou avion susceptible d'être intercepté n'aurait décollé (il va par ailleurs de soi que toute menace de frappe préventive contre le bâtiment serait sanctionnée par son auto-destruction immédiate).
Simple à mettre en oeuvre, cette méthode présente l'énorme avantage de ne pas déléguer la moitié du travail à un adversaire dont on ne peut, par définition, jamais être certain de la bonne volonté. Mieux encore, pareil système offrirait au pays qui la possède un moyen fort efficace de peser sur la scène internationale, que ce soit pour défendre le droit international ou ses intérêts. Un dictateur opprime sa population à l'autre bout du monde ? L'organisation mondiale du commerce nous menace de sanctions ? Qu'ils arrêtent immédiatement ou la planète explosera. Qu'est-ce qu'ils peuvent faire pour nous en empêcher ? Nous attaquer ?
Gageons qu'une fois ce nouveau type de dissuasion suffisamment répandu, le monde ne pourra que connaître une nouvelle ère de calme et de paix.
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