Pour une démocratisation culturelle par le bas

Pour une démocratisation culturelle par le bas
Photo by Erik Mclean / Unsplash

◑ Édition croissante : premier quartier du 29 octobre 2025

Par Ambroise Garel

On peut le déplorer, il faut néanmoins le constater : le rêve de Jean Vilar et d'André Malraux est bel et bien mort. En dépit d'effort louables des acteurs publics et d'un dense réseau associatif, la démocratisation de la culture a échoué. Les pratiques culturelles que l'on dit bourgeoises continuent de l'être et, quand bien même on trainerait les élèves de ZEP de sorties musée en après-midi théâtre durant toute leur scolarité, seule une infime minorité d'entre eux continuera à s'intéresser au spectacle vivant une fois atteint l'âge adulte.

Cela est bien dommage, d'autant qu'il existe un autre moyen, beaucoup plus simple et jamais envisagé auparavant, de réunir les différents milieux autour d'une culture commune. Il suffit de prendre le problème à l'envers et, plutôt que d'amener les classes populaires vers les pratiques des classes dominantes, de convaincre l'élite culturelle d'adopter celle des classes les moins privilégiées.

Ainsi, plutôt que d'emmener les enfants d'Argenteuil à Paris deux fois par an pour leur faire voir Andromaque (dont ils n'ont que faire, et à raison, c'est tout de même assez chiant Andromaque), on affrèterait des bus pour transporter les élèves de l'École alsacienne et de Louis-le-Grand dans les pires taudis du 93 pour des après-midi « glande dans un hall d'immeuble » qui, en plus d'ouvrir leurs horizons, contribueraient à leur donner le goût du petit commerce. Gageons qu'on verrait naître des vocations.

Bien sûr, comme l'a compris le TNP de la grande époque, le maillage territorial est de la plus haute importance dans toute entreprise de démocratisation culturelle. Hors de question de cantonner cette opération aux grands centres urbains, déjà trop privilégiés. C'est pourquoi on tirerait également les élèves des lycées bourgeois des villes moyennes pour les conduire dans les villages de leur région, où ils pourraient faire des burns sur le parking d'un Auchan toute la journée en buvant des Maximator pour tromper l'ennui. Là encore, il est certain qu'un certain nombre de gosses de riches se découvriraient un intérêt pour les cuites à la bière chaude, en tout cas bien davantage que de jeunes collégiens défavorisés se sont pris de passion pour l’œuvre de Racine.

Que retenir de cette proposition ? Qu'il est possible, en cette époque où la nation semble en passe de se défaire, de réunir les Français autour de projets et de valeurs communes. Il suffit pour cela d'un peu de volonté politique et, surtout, du courage de briser les tabous.


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